Je sais très bien que la foule est incapable de considérer ce qu’il y a d’extraordinaire et de singulier dans chaque événement, qu’elle juge les choses et les nomme par ce qu’elles ont d’apparent, sans jamais chercher à en pénétrer la cause et la nature.
EDWARD SEXBY
Publié sous le pseudonyme de William Allen, le pamphlet de Sexby est l’un des écrits les plus fameux qu’ait produit la révolution anglaise, entre 1640 et 1660. Il est, après les œuvres de Machiavel, La Boétie et quelques autres, un classique dans la critique de la domination. Son originalité réside d’abord dans le fait qu’il est explicitement dirigé, au contraire des précédents, contre un tyran nommément désigné, qu’il incite vivement à mettre à mort au plus tôt par n’importe quel moyen ; et, d’autre part, dans le fait que ce tyran particulier est le prototype de la principale série du chef d’État moderne illégitime, du récupérateur qui a établi son pouvoir en réprimant une révolution sociale dont il avait d’abord saisi la direction : en ce sens, le bref règne de Cromwell préfigure à la fois ceux de Robespierre ou Lénine et ceux de leurs successeurs perpétuellement mal assurés, Bonaparte aussi bien que Staline et ses fils. Killing no murder, imprimé en 1657 aux Pays- Bas, mêle les plus sûres analyses de Machiavel (imputées d’ailleurs habilement, et non sans motif, à l’ennemi à abattre, comme seuls guides de sa conduite) à ce langage biblique qui caractérisa la révolution bourgeoise d’Angleterre, comme plus tard le style des « Romains ressuscités » devait être la signature de la grande Révolution française.
Tuer n’est pas assassiner – Note de l’éditeur français